Est-il possible de concilier développement du Grand Paris et préservation de la biodiversité ?
La loi sur la biodiversité ERC « éviter, réduire et compenser » de 2016 doit permettre de garantir la protection des écosystèmes, puisqu'elle oblige lorsqu'un projet détruit un milieu naturel, de compenser sur un autre territoire.
Mais dans 80 % des cas, selon une étude réalisée par des scientifiques du Muséum national d’histoire naturelle et d’AgroParisTech, l’objectif ne serait pas atteint.
La destruction des milieux naturels serait supérieure au « gain » de biodiversité obtenu par la compensation.
Maintes fois dénoncée par les associations, les écologistes, la compensation passe trop souvent devant l'évitement et la réduction.
Juin 2023 : l'humus, indispensable à la vie du sol forestier a disparu, à la place un monticule de terre stérile |
Biodiversité : une certitude de la perte nette mais une incertitude du gain net
La forêt de Verrières est le site de mesures compensatoires, suite à des travaux de la ligne 15 du Grand Paris Express, par la SGP Société du Grand Paris.
Pour compenser une coupe faite ailleurs, une autre coupe a ainsi été faite dans la forêt de Verrières pour la réalisation d'une mare !
Durant l'hiver 2022/2023, l'ONF a déboisé une zone dans la forêt pour recréer un milieu humide artificiel. Classée ZNIEFF 2 (Zone Naturelle d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique), la forêt est pourtant reconnue pour son caractère riche, abritant des espèces biologiques rares.
Dans un courrier adressé le 9 octobre à l'Office des forêts, nous
demandons si une autorisation de déboisement a été déposée. Les
explications qui nous ont été données soulèvent surprises et
interrogations :
- Premièrement,
il est étonnant que des coupes aussi importantes aient pu être
réalisées sans autorisation préalable dans une forêt classée Espace
Boisé Classé (EBC) où tout abattage d'arbres est strictement interdit.
L'article 13 du Plan Local d'Urbanisme de Verrières réfute tout abattage
dans un espace naturel classé.
- Deuxièmement, il est intéressant de noter que la création de la mare (généralement le résultat du déracinement d'un ou de plusieurs grands arbres) est le résultat d'une coupe d'une telle ampleur, détruisant toute la biodiversité présente dans le sol. En effet, la richesse en biodiversité du sol forestier dépasse celle de la partie aérienne d'une forêt.
Nous
comprenons que ces mesures compensatoires, visent à favoriser une
espèce de batracien (alyte accoucheur), mais plus surprenant ces travaux
d’abattage d’une telle étendue ne répondent pas à la définition de
défrichement. Il convient de se demander si l'abattage des arbres dans la forêt pour la mare est réellement une mesure compensatoire adéquate.
- Troisièmement, il est également surprenant de constater qu'une coupe effectuée ailleurs puisse être « compensée » par une autre coupe dans le bois de Verrières. Si l'on devait chiffrer le gain, cela revient à passer d'une biodiversité d’un lieu de 100 à 0, en compensant dans un autre site où la diversité est à 90. On n’a donc gagné que 10 de biodiversité. Les 90 en dessous sont perdus !
Le panneau d'information situé « aux 3 mares » signale qu'il s'agit de travaux de débroussaillage, ce qui a suscité des interrogations de la part des Amis du Bois de Verrières. En particulier, sur la parcelle 118 où des travaux d'abattage ont été réalisés.
Projets du Grand Paris : compenser plutôt que réduire
En 2019, durant les travaux du garage T10, la forêt de Verrières a été amputée de 3,5 ha d'espace boisé et d'1,5 ha pour les échangeurs sur l'A86. Un mitage qui a détruit un bout de la forêt, pour toujours plus d'urbanisation.
Des mesures compensatoires ont été réalisées dans la « Forêt des Ecrennes » dans la commune de Pamfou (77) à 80 km du site. Ces compensations ne sont ni de proximité, ni un gain additionnel pour la biodiversité puisque les plantations ont été faites un espace déjà boisé.
Le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise a annulé le 25 juillet 2021, la Déclaration d'Utilité Publique du projet, en donnant raison en tous points, y compris sur l'absence d'utilité publique, aux associations qui s'opposaient. Le Tribunal a relevé de graves atteintes aux forêts protégées (Verrières, Meudon) sans justifications convaincantes et avec des compensations locales dérisoires.
En d'autres termes, pour prévenir les risques liés à l'urbanisation, il est ironique de devoir détruire davantage des espaces boisés au nom de la "compensation environnementale". Cela illustre parfaitement le paradoxe de la situation.
Pour aller plus loin :
- Séquence ERC (éviter, réduire, compenser ) d'août 2016 : https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/evaluation/article/eviter-reduire-compenser-erc-en-quoi-consiste-cette-demarche
- Reporterre du 6 septembre 2019 : Grands projets destructeurs : l’esbroufe de la « compensation écologique »
- Reporterre du 20 décembre 2016 : À Saclay, on détruit des terres agricoles sous prétexte de compensation environnementale
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